Passage du convoi

Ysilde sursauta quand Michel annonça d'une voix forte qu'il voulait faire enlever tous les ouvrages. Elle le regarda, stupéfaite. Mais, au petit sourire qu'il arborait, elle comprit que ce n'était que des paroles, destinées à provoquer le propriétaire des lieux, s'il se cachait quelque part dans la demeure.
Elle continua à observer la pièce et remarqua que, là aussi, les fenêtres étaient cachées par de lourdes tentures d'un rouge profond.
D'un geste, elle indiqua au Chevalier le grand escalier, et ils en prirent la direction. Une fois à l'étage, ils s'aperçurent que le couloir surplombait le hall d'entrée, et qu'il s'y trouvait de très nombreuses portes, dont l'une, entr'ouverte, donnait sur une coursive extérieure, celle qu'ils voyaient de l'extérieur.
Les murs du couloir étaient chargés de nombreux portraits de femmes et d'hommes. Au dessus de chaque porte, était gravée une colombe, identique à celle qui figurait sur la pierre de la cheminée.
Soudain, Ysilde entendit un bruit furtif, à proximité de là où ils se trouvaient. Elle serra la main du Chevalier : avez-vous entendu ? Il y a quelqu'un ici ....

Michel se retourne et d'une voix très calme :

"Allons, nous ne sommes point vos ennemis, nous sommes du Comté également et ne souhaitons point causer de tort. Je me moque de la religion que vous pratiquez si elle ne porte pas la haine mais l'amour. Nous ne sommes point soudards et vous tendons la main"

Il avait mis dans sa voix toute sa force de persuiasion et ne mentez point dans ses propos

Des bruits de pas se firent entendre derrière l'une des portes, qui ne tarda pas à s'ouvrir. Un vieillard accompagné d'un jeune enfant apparurent. Manifestement, le vieil homme était pratiquement aveugle. Il tenait l'enfant par l'épaule, et avançait d'un pas hésitant.

Qui êtes-vous ? que faites-vous ici ? demanda-t-il d'une voix impérieuse.

Ysilde un peu surprise, prit la parole.
Je me présente : Ysilde, Dame de Compagnie de la Comtesse Blanche de Toulouse. Excusez-nous d'être entrés ainsi, mais nous avons frappé et personne ne nous a répondu. Nous avons cru la maison abandonnée ...
Cette demeure est tellement jolie ... je n'ai pu résister à la curiosité d'en contempler l'intérieur ...

Gênée, Ysilde baissa les yeux devant le regard éteint de l'homme. L'enfant la regardait, sans un mot, sans un geste, sans un sourire. L'homme tourna la tête vers Michel :

Et vous, qui êtes-vous ?

Ils arrivèrent un moment après dans un salon aux mesures impressionnantes mais qui, curieusement restait feutré et comme se rétrécissant autour de ceux qui s'y installaient. Les tapisseries et les tissus rares étaient la aussi somptueux et sur le sol, à la place de la paille ou des joncs, de rares tapis d'Orient, comme Michel en avait vu en Espagne.

"Messire votre gout est très sur, combien de grand seigneur par ostentation aurait fait usage futile de l'argent mis dans ces merveilles. Ici tout est comme choisit pour que l'harmonie règne.

Vous êtes un Mestre en la matière, mais après avoir vu les ouvrages qui ornent votre bibliothèque, je dirait mais en quel domaine ne possédez vous point de science ?"

Le vieil homme hocha la tête s'en répondre. Il s'installa confortablement, et demanda à l'enfant : Fais nous apporter à boire ... du vin et de l'eau pour la damoiselle. Et quelque chose à manger aussi ...

L'enfant acquiesça sans un mot. Il sortit et tous l'entendirent courir, comme si son jeune âge reprenait le dessus. Le vieillard sourit : ce jeune garnement ... il a bien besoin de se défouler de temps en temps ... vivre avec moi n'est pas toujours très drôle .... trop de sagesse ne vaut rien à son âge ....

Il tourna la tête vers ses hôtes : Prenez place ! Nous parlerons, plus tard, d'art et de littérature, si vous le désirez. Mais pour l'instant, dîtes m'en plus sur ces brigands que vous pourchassez ! Sont-ce réellement des brigands ... ou ceux que vous considérez comme des hérétiques ?

Il n'y allait pas par quatre chemins et annonçait franchement ce qui le préoccupait. Sa voix était ferme et autoritaire. Il ne baissait pas les yeux, et évidemment son regard éteint ne laissait rien transparaître de ce qu'il pensait. Ysilde, nerveuse, ne savait que dire. Cet homme l'impressionnait par son calme, son autorité naturelle, et aussi par cette attitude bienveillante, qu'il ne savait dissimuler complètement.

Le silence s'installa quelques instants. Puis, une servante, sortie de nulle part, entra et déposa un plateau, sur lequel se trouvaient une carafe d'eau et une autre emplie d'un vin d'une jolie couleur rubis. Des gobelets, qui semblaient être en argent ciselé, furent servis. La servante sortit et revint presqu'aussitôt, apportant des fruits, du pain et quelques charcuteries.

Servez-vous, vous devez avoir faim ! Joignant le geste à la parole, il but une gorgée de vin et le savoura tranquillement, attendant que ses hôtes se soient servis et répondent à ses questions.

Michel pris le temps de servir du vin coupé d'eau à Ysilde comme cela se faisait souvent, en espérant, qu'elle approuverait. Il se servit à son tour du vin mais sans le couper. En bu une gorgée, il était remarquable.

"Messire je suis au Comte et ce dernier ne m'a point mander de poursuivre des hérétiques mais des brigands qui rendent les chemins si peu sur dans le Comté et qui ... ne semblent point être ceux qu'ils disent.

Les rapports que j'ai eu avec eux au cours des deux estéquis me laisse à penser qu'il y a derrière eux autre chose que le seul brigandage et que des personnages plus importants du Comté ou d'ailleurs trament des choses peu louables envers mon Seigneur.

Peu me chaut qu'ils soient de telle ou telle religion, mon bras ne vas point à l'encontre des églises mais contre truanderie. Que certains de ces brigands aient une autre foi m'importe peu, ce n'est pas pour cela que j'ai été mandé"

Michel regarda Ysilde afin d'avoir son soutien. Il sentait que cet entretient pouvait déboucher sur des choses qui ouvriraient des horizons nouveaux et il avait décidé d'être sans mensonge et loyal envers ce curieux vieillard qui ne s'était point encore découvert.

Ysilde acquiesça aux propos tenus par Michel. Elle buvait son verre, tranquillement, sans parler, toujours impressionnée par les lieux et leur hôte. Celui-ci souriait en écoutant le Chevalier et hochait la tête d'un air entendu. Elle ne savait trop s'il les croyait. Aussi se décida-t-elle à intervenir.

Tout cela est exact Messire ... Le Chevalier est envoyé par le Comte, afin de sécuriser les routes, trop dangereuses pour les voyageurs et les pélerins. J'ai moi-même assisté à ce qu'ils étaient capables de faire ... même aux très jeunes filles ... et cela, Messire, est impardonnable et surtout condamnable.

Ysilde s'énervait un peu à raconter ce souvenir pénible.

Le vieillard hochait toujours doucement la tête. Je vous crois, Damoiselle, et vous aussi Messire de Lacaune ! Il est vrai que depuis quelques temps les routes sont dangereuses ... mais vous auriez tort de croire qu'il n'est que les routes .... les villages aussi sont peu sûrs ....
Vous vous en apercevrez certainement d'ici peu, sans vouloir vous effrayer Damoiselle ... même si je pense que vous êtes loin d'être aussi fragile que vous le semblez ...

Laissant passer un petit moment de silence, il reprit la parole :

Vous êtes-vous demandés pourquoi cette demeure était aussi vide ? pourquoi uniquement un vieillard, un enfant et une domestique vivaient seuls ici ?

Michel écoutait le vieil homme mais sa voix avait une sonorité que l'on aurai pas cru possible dans la voix d'un si vieil homme.

"Messire c'est la question que je me pose depuis que nous avons franchit le seuil de votre demeure et j'ai bien senti de l'hostilité chez les habitants de ce bourg, mais aussi comme un soulagement quand ils ont vu certains des brigands mats. Je pense que si certains coopèrent d'autres sont contraints par chantage.

Mais auriez vous perdu certains de vos parents de la faute de cette herpaille, pouvons vous vous apporter aide et justice autant que Dieu, quelque résonance que ce mot ai pour vous, voudra bien nous le permettre"

Citation :

Mais auriez vous perdu certains de vos parents de la faute de cette herpaille, pouvons vous vous apporter aide et justice autant que Dieu, quelque résonance que ce mot ai pour vous, voudra bien nous le permettre

Non, non, Messire .... je les ai simplement mis à l'abri ! Mais, je crains bien moins les brigands, que tous ces hommes de Dieu ... Vous n'êtes pas sans avoir remarqué la colombe qui orne nos murs ! Et bien, je vous l'avoue, si vous n'aviez pas compris ... ce dont je doute ... ma Maison est Cathare .... et nous ne demandions rien d'autre que vivre notre foi, simplement et sans vouloir convertir quiconque ...
Cependant, depuis quelques temps, certaines rumeurs nous inquiètent : on dit que les autorités ne toléreront plus très longtemps notre religion, que nous disparaîtrons par le feu ... Je suis un vieillard, presqu'aveugle de surcroît, je ne crains plus grand chose ... mais, ma famille ... je ne tolèrerai pas qu'elle soit anéantie !

Le vieil homme se tut un instant, pensif. Avait-il trop parlé ? S'était-il épanché auprès de gens qui allaient le trahir derechef ? Il ne le croyait pas ... ces personnes lui semblaient être honorables et de bonne foi.

Mais changeons de sujet ... vous avez apprécié ma bibliothèque : si vous avez encore un peu de temps, j'aimerai vous montrer quelques manuscrits qui vous plairont, j'en suis sûr ! Et peut-être que ....

Le vieil homme s'interrompit une fois de plus, releva la tête et dirigea son regard éteint en direction des deux jeunes gens.

Ysilde, qui était restée en retrait, prit la parole : Messire ? Pouvons-nous quelque chose pour vous aider ?

Merci, Damoiselle ! Je pensais juste que peut-être, Messire de Lacaune, qui semble être lettré, pourrait sauver ces oeuvres précieuses ..., même si certaines d'entre elles pourraient lui sembler hérétiques ....

Le Chevalier parlait toujours avec le vieillard, quand un bruit de galop se fit entendre. On aurait cru une troupe lancée à toute vitesse dans le village. Des cris se mélèrent bientôt à ce vacarme. Inquiète, Ysilde tourna la tête vers les fenêtres, toujours occultées par les lourdes tentures.
Le vieillard se leva, mais ne manifesta aucune autre réaction.

Ysilde se tourna alors vers Michel : avez-vous idée de ce qu'il se passe ? ce ne sont pas nos soldats qui passent ainsi ....

Michel se leva "Messire ne craignez rien, Ysilde restez avec eux" La main sur la garde de son épée Michel s'avance vers la sortie.